mardi 8 mai 2012

Le Banquet

Quelques jours à peine en France m'ont permis de reprendre pied dans une autre réalité. Le chemin du retour me laisse sur une impression difficile à décrire. Peut-être dois-je me contenter de reprendre conscience de la diversité de l'humanité, avec simplicité, et accumuler un peu de force pour ne pas me plaindre de séparations volontaires.
Un évènement de la semaine passée ne m'était pas encore apparu avec autant de curiosité qu'après mon retour temporaire.
Son excellence a quitté la table d'honneur. La plupart des convives sont également sur le point de partir et notamment sa suite lorsqu'il donne l'autorisation de poursuivre la fête sans sa présence. En somme, c'est quartier libre.
Quelques uns, les plus sages, quittent définitivement le repas pour suivre leur petite (ou grande) aventure, d'autres restent pour reprendre le travail là où ils l'avaient laissé. C'est à ce moment que le Gouverneur donne le signal. La chanteuse s'anime mais elle danse également pour solliciter quelques inévitables farotages. Mon collègue est d'ailleurs plus rapide que moi car il place entre les seins de la demi-cantatrice un billet de 10 000. De suite, elle s'en va chercher un autre client un peu plus loin.
L'hôte de la soirée se lève et se met à danser au son du bikoutsi. Il est très vite rejoint par la plupart de ses collaborateurs et une bonne partie de ses "affiliés". Après quelques minutes et dans un deuxième temps, il m'apparaît important de le noter, les femmes rejoignent le groupe. Le premier cercle formé par les redevables du gouverneur autour du chef s'agrandit.  Le rythme accélère. Je réalise avec émerveillement que cette danse collective vient soudain du fond des âges. On rend hommage au chef, on danse pour fêter sa gloire et sa renommée. Il est au centre. Les autres sont autour. Le masculin prime sur le féminin, mais pour combien de temps encore au cours de cette agitation anthropomorphe ? Je me suis également demandé comment s'exprimait, dans nos comportements, cette soumission instinctive. Elle est certainement moins visible plus complexe car masquée par les apparences de l'éducation mais tout aussi réelle.
Le rite continue. Une première femme se tourne, là aussi le plus naturellement du monde. Un rapide coup d'oeil m'indique qu'elle est la plus expérimentée mais aussi la grande et la plus belle des femelles. Pour poursuivre de façon claire, elle présente ses fesses au gouverneur. Ce dernier se place immédiatement derrière et simule un acte répréhensible sous nos froides latitudes. Pour qui ne l'a pas fait ne connaît pas le sens de l'expression : "acte libératoire".
Une deuxième puis une troisième femme se joignent à ce couple occasionnel. Elles font maintenant face au chef. L'agitation arrive à son comble. Les trois poitrines gesticulent en rythme devant l'homme pour lui plaire, le reconnaître une nouvelle fois comme le puissant. Les inféodés restent autour, dansent également frénétiquement mais ne participent réellement à son accouplement symbolique qu'avec les yeux. Le pouvoir sur le groupe est unique et ne se partage pas, du moins pas en cet instant public.
Il choisit manifestement la plus expérimentée, une fois encore, je suppose. J'appris le lendemain qu'après une courte séparation, ce couple éphémère se retrouva en boite de nuit où la distinction entre le rêve et la réalité est fragile.
Les résurgences de comportements anciens ne sont jamais très lointaines. L'éducation et la connaissance n'y peuvent pas grand chose lorsque un instinct bien plus ancré dans la pensée trouve des conditions favorables pour s'exprimer. Nous sommes une espèce animale.

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