lundi 16 juillet 2012

14 juillet

Le 14 juillet, l'ensemble des collaborateurs qui ont un lien direct ou indirect avec l'Ambassade de France ou des organismes et institutions représentatives des intérêts français au Cameroun sont invités à célébrer dans l'allégresse la fête nationale. Les autres nationaux ne peuvent plus se rendre dans les jardins pour profiter du fromage et de la charcuterie à volonté. Les restrictions budgétaires ont eu raison de cette tradition.

Je pensais également assister à un hommage militaire au drapeau avec les quelques gendarmes, gradés et officiers supérieurs présent au "poste" mais rien du tout... Cela aurait été cocasse de constater qu'il y a plus d'officiers supérieurs dans un poste diplomatique que de militaires de "base". Je n'ai d'ailleurs aucune relation avec ces personnes. Leur environnement semble extrêmement fermé et centré sur eux-mêmes. Les discussions de cette soirée entre les "madames" de ces "messieurs" m'ont confirmé cet état de fait. Ce bouquet de "gradés" peut aussi se comprendre par le type des missions à réaliser.

En revanche, l'Ambassadeur, dans son discours, n'a pas oublié de citer les "sponsors" de la soirée : orange, casino, razel (filiale de Bouygue), Boloré industries, total,...

Moment très important de la vie diplomatique locale, son Excellence l'Ambassadeur de France se doit aussi d'inviter à la célébration les personnalités qui comptent au Cameroun. Ministres, parlementaires, élus locaux, syndicalistes, grands directeurs des administrations centrales, artistes, personnes les plus influentes dans le débat public camerounais. La quasi totalité des ministres du gouvernement du Cameroun et plus de 1 000 personnes étaient présentes lors de cet évènement. Toute la communauté diplomatique a répondu également à l'appel.

On peut toujours se demander en quoi c'est nécessaire. A première vue, c'est coûteux et ne rapporte rien. Les grandes décisions ne se prennent pas les 14 juillet. En même temps il existe de nombreux points positifs. Tout d'abord, cela permet de manger très correctement et sans frais pour le consommateur. Honte à toi me direz-vous ! Je me tropicalise un peu alors j'ai bien le droit d'en profiter non ? C'est l'occasion également de rencontrer quelques personnes et d'échanger des cartes de visite. J'en ai déjà écoulé au moins 200 depuis le début de mon séjour et cela n'arrête pas... Ensuite, les conversations sont facilitées après quelques coupes de champagne, saucissons et petites quiches lorraines. Enfin, c'est lors de ces évènements que l'on peut comprendre comment la question du rayonnement de la France doit se construire. Mélange subtil entre intérêts économiques bien compris mais également points communs plus intellectuels. Dans ce genre de situation on comprend que la culture peut être une arme politique. En revanche le modèle social français n'attire personne... 

Paradoxalement, la France au Cameroun est souvent l'objet de discours enflammée à son encontre mais tous les jours, les camerounais regardent France 24, TF1, France 2 et Canal + à longueur de journée. Ils sont plus familiés de la politique française et du football que moi. Ils nous critiquent mais nous adore en même temps. Ils nous accusent souvent de leur malheur mais reconnaissent que la dégradation de la situation au Cameroun n'est venue que de leurs élites. Ils veulent voir la main de la France dans les changements de gouvernement mais sont incapables de faire référence au point précis prouvant leur affirmation. Bref, le Cameroun est camerounais mais il respire la France, à "l'insu de son plein gré"...

Pour ces raisons, venir à la Fête du 14 juillet à l'Ambassade de France est un vrai plaisir pour beaucoup. J'ai d'ailleurs servi de mannequin blanc, pour faire comme à Paris selon la femme qui m'a sollicité avec son mari ! La politique étrangère de la France et son rayonnement ne tient qu'à quelques photos.

dimanche 8 juillet 2012

Une question d'âme


J’aimerai pouvoir expliquer ce qu’est l’âme camerounaise. C’est une tâche particulièremen difficile comme pour la description des conditions de travail. A la fois possible mais forcément incomplet . On ne peut pas tout écrire. Je pense pour autant que plusieurs grandes caractéristiques peuvent nous permettre de l’approcher un tant soit peu.

J'en profite pour agrémenter cet article de quelques photos issues de mes petites pérégrinations de week-end.

Moto taxi à Cotonou
Tout d’abord, il n’y a pas d’âme uniforme. Les 280 groupes ethniques qui composent le Cameroun ont bien entendu chacun leur identité, leur force, leur faiblesse. Les Bamilékés sont réputés pour amasser de l’argent, les Ewondos pour le dépenser, les Bassas pour être des procéduriers hors pairs, les Doualas rebelles à toute forme d’autorité, les Etons pour avoir un quart d’heure de folie par jour et ainsi de suite… Bref, on ne peut généraliser un constat. Cela serait trop risqué et inexact. De multiples variations existent et aucune vérité ne peut être tenue pour définitive. Je ne fais pas l’éloge du relativisme, il faut simplement avoir conscience de la multiplicité des conceptions du monde. Tout est une affaire de croyance et de cosmogonie. C'est cela qui est universel.

réception à l'ambassade de France au Bénin
petit atelier de fondeur de bronze à Cotonou

L’âme camerounaise voit les choses sur 360°. Le champ de vision est très large et englobant. Il est aussi extrêmement pragmatique. On construit plutôt son identité sur ce que l'on fait et non sur son origine familiale ou son statut scolaire. Vous êtes observé et analysé. Le moindre écart d'émotion est perçu est interprété en force ou faiblesse. Il n'y a pas de volonté de catégoriser ou de classer définitivement comme on peut souvent nous le reprocher. A contrario, cette âme englobante n'est pas synthétique. Cet exercice apparaît pour de nombreux esprits très difficile. La synthèse suppose de fabriquer des ensembles étanches ou disjoints. Tout est profondément dans tout pour l'âme camerounaise. Toutes les portes sont ainsi toujours ouvertes et peut favoriser autant les violences extrêmes que les solutions négociées avant, après ou pendant un épisode de violence.


publicités sur la plage d'Obama à Cotonou
L'âme camerounaise ne se projette pas dans le temps. Tout d'abord et j'ai déjà pu le dire, tout est lent mais rien ne s'arrête. Ensuite, la prévision ou la prospective est hors de portée pour de nombreuses personnes. Lorsque le pays a vécu une période d'instabilité économique particulièrement forte où personne ne savait ce que demain allait offrir comme bonheur ou malheur, la tendance est plutôt de saisir l'instant présent peu importe les conséquences ultérieures. Ce qui est pris n'est plus à prendre et dans la compétition quotidienne pour survivre celui qui a pris a marqué un point.

La ville de Mvengue. Chef lieu d'un Département...

village traditionnel en pleine brousse (Ngoum).

pont fabriqué par les habitants pour désenclaver leur village
cuisine traditionnelle. celle-là est rangée et propre.
L'âme camerounaise entretient un rapport sans tabou avec son corps. Un travail important de recherche a très certainement été conduit mais il mériterait d'être poursuivi. Il s'agit probablement d'un prolongement de cette capacité à voir les choses sur 360°. Pour être clair et direct, sauf pour les esprits musulmans, la sexualité est plus libre. La femme fait généralement ce qu'elle veut de son corps avec qui elle veut. Les hommes jaloux font bien entendu la même chose. Cela engendre des relations multiples et rapides dès lors que les individus se plaisent. Certains parlent de sexualité "désordonnée". La nudité en public n'est pas non plus une atteinte à la pudeur. Il n'est pas rare de voir uriner (au mieux) les hommes (et femmes) dans la rue sans même se cacher. J'aurai l'occasion de revenir sur les rapports entre hommes et femmes. Ils ne sont pas si déséquilibrés que certains blancs voudraient qu'ils soient.

animaux sauvages de la forêt tropicale ;-))

enfant d'Ebom.
Enfin, ce que je peux encore indiquer c'est la très grande violence des rapports sociaux qu'entretiennent entres elles les âmes camerounaises. Il faut dominer pour ne pas être dominer. Les caractères faibles sont systématiquement écrasés ou réduit en exécutant sans droit. Il faut exploiter l'autre. C'est un principe. Les solidarités à l'intérieur d'un groupe social existent bien sûr mais elles sont intéressées et pragmatiques. Soi-même, la famille, le village, le groupe éthnique; voilà leur ordre de priorité. Cela signifie que "soi-même" peut être conduit à faire un mauvais coup à sa propre famille et ainsi de suite. Pour cela il faut parfois mentir. Cela ne pose aucun problème à l'âme camerounaise qui a perdu depuis les grandes crises le sens de quelques valeurs fondamentales. Le mensonge est fait sans vergogne et toutes les opportunités (cf plus haut) sont bonnes à prendre. Il n'est pas rare non plus de voir dans les logements des familles les plus démunies des portes de chambres fermées avec un cadenas ou des coffres métalliques fermées avec ses propres affaires.

sur la route en Mvengue et Ngomendjap

héritage de la France au Cameroun
Alors tout est-il négatif ? Non. L'âme camerounaise possède une profonde vitalité à l'exacte opposée de la tristesse et le goût pour la dépression de l'âme française. Le sens de la débrouille est impressionnant avec une capacité à partir de rien pour faire quelque chose. Faire la fête est interprétée comme une façon de soigner sa souffrance quotidienne. J'ai également pu constaté un goût prononcé pour la dérision. Les "blancs"  sont bien entendu les premiers visés mais les épisodes les plus graves de la vie de l'âme camerounaise sont pris parfois avec une légèreté qui déconcerte.

widget viadeo

widget facebook