On peut légitimement se poser la question de savoir comment concrètement se déroule une vie d'expatrié dans un pays comme le Cameroun. Tout dépend en réalité de son caractère, de l'attachement conscient ou inconscient que l'on a pour ses habitudes de vie, de la composition de la cellule familiale qui participe à l'expatriation, de son ouverture d'esprit qui ne se décrète pas. En effet, il ne suffit pas de le dire pour l'avoir.
Le chemin de fer entre Yaoundé et Daoula |
Alors évidement, comme toujours, plusieurs regards possibles.
Le premier se rapproche d'une vie plutôt facile. Pas de souci majeur d'argent compte tenu des différentes indemnités perçues. C'est d'ailleurs l'unique objectif pour quelques uns de réaliser des économies substantielles qui serviront à acquérir un appartement à Paris. Généralement, une famille d'expatriée recours aux services d'un chauffeur, de plusieurs gardiens, d'une ménagère et voire pour certaines à un cuisinier... La maison avec jardin devient une petite entreprise domestique avec les avantages quotidiens que cela procure mais aussi parfois la complexité administrative entre les salaires, les charges sociales, la gestion des différents contrats.
On aimerait aussi également avoir en France les mêmes facilitées offertes par les écoles françaises à l'étranger avec des professeurs bien motivés...
L'autre élément permettant d'affirmer une vie facile tient aux activités de loisirs. Un peu de tourisme pendant les congés scolaires, du sport en semaine et le week end, des soirées chez les uns et les autres. On fréquente le Hilton ou les clubs sportifs fondés parfois par les colons à l'indépendance. On se déplace au Casino pour trouver tous les produits français classiques un peu plus chers. On vient déjeuner ou dîner dans quelques restaurants bien connus dans la capitale avec des prix tout à fait parisien... La couleur blanche domine dans tous ces endroits. Il y a quelques coupures d'eau et d'électricité mais les standards occidentaux sont bien respectés.
Enfin, on habite le même quartier (Bastos), on roule en grosse voiture, l'homme blanc se fait appeler "Patron" ou "Boss" en permanence. Lorsque vous garez votre voiture quelque part un homme sortie de nulle part vient vous ouvrir la porte et porter votre petit sac très léger... Quelques restes antiques non dénués d'arrières pensées très matérialistes...
Le divertissement sous toutes ses formes est facile.
Bien entendu, si vous êtes un volontaire international votre niveau de vie est moins élevé notamment en raison d'un logement plus petit et de l'absence de moyen de transport individuel. Mais la vie en groupe pallie à la plus grande partie des inconvénients qui résultent de cette situation avec l'opportunité de vivre un peu plus proche de la population en général (histoires de coeur comprises !).
Il y a un revers à cette médaille et c'est la deuxième approche. Les choses se font mais il ne faut pas mettre de date. L'activité professionnelle que vous souhaitez toujours très intense n'est pas au rendez-vous. Le conjoint s'ennuie ferme. Le travail est difficile à trouver en raison du peu de temps sur place. Les réunions "tupperware" ne suffisent pas à combler une journée. La fréquentation d'endroits bien identifiés coupe du monde extérieur et du pays dans lequel vous résidez. Vous êtes en réalité de passage sans vous imprégner des mentalités et des façons de penser. Construire des relations amicales est assez compliqué dans la mesure où on peut toujours se demander ce qu'il peut y avoir derrière compte tenu des très grands écarts de niveau de vie et de revenus. Un accueil ponctuel ne permet pas ici de bien comprendre l'âme locale. On peut rester sur une bonne ou mauvaise impression trompeuse.
Bref, l'intégration n'est pas simple. Même si pour les français compte tenu de l'histoire récente ce n'est pas tout à fait les mêmes choses que pour les autres nationalités, vous êtes un étranger et vous le resterez.
Vous vous apercevez au bout d'un certain temps que vous ne mangez quasiment plus de makabo, igname, kanga, ndolé, cok, plantain ou folon... vous reprenez vos réflexes pain saucisson jambon pâté et fromage...
Des antilopes "Cobe Defassa" |
Quelques réflexions désagréables peuvent vous surprendre dans la rue surtout en matière de circulation automobile. Elles sont toutefois assez rares, il faut le reconnaître. En revanche, vos faits et gestes sont systématiquement observés. Tout le monde sait ce que vous faites, avec qui vous êtes et où. Il doit y avoir entre 5 000 et 8 000 occidentaux et asiatiques à Yaoundé. C'est à la fois beaucoup mais également peu comparé au 2 à 3 millions d'habitants. Les différentes nationalités se croisent mais, au fond, ne se mélangent pas du moins ici à Yaoundé. Les Chinois, très présents, ne diront pas le contraire. Ils possèdent leurs restaurants, leurs hôtels, leurs maisons. Les chauffeurs des chinois sont très souvent... chinois...
Le Cameroun n'est pas un pays d'immigration y compris pour ses voisins les plus immédiats (Tchad, Nigéria, Gabon, Centreafrique, Guinée Equatoriale). Il n'accueille qu'environ 500 000 touristes par an (selon les chiffres officiels). Il n'y a aucune volonté d'intégrer les personnes étrangères. La culture occidentale a été imposée par le "haut". Elle reste le modèle à imiter quant aux critères de confort de vie.
La succession des chefs traditionnels de Baffoussam |
Alors, lorsque par des petits gestes vous souhaitez vous insérer un peu mieux dans la vie et changer votre sandwich saucisson cornichon pour des haricots rouges, oeufs, mayonnaise (le pain "H") et bien on commence par vous regarder d'un oeil méfiant et étonné en se demandant bien pourquoi vous faites ça !